1
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
L’EFFET PAPILLON
Un battement d’aile.
Le
papillon
blanc
dévie
à
peine
de
sa
trajectoire.
Le
jeune
enfant
chasseur
de
papillon
manque le papillon.
Il le poursuit, bute sur une racine.
Sa tête heurte un rocher.
La mort est immédiate.
Infortuné
petit
enfant
au
doux
prénom
d’Adolphe…
.°.°.°.°.°.
2
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
SOUTERRAIN
Un petit clin d’oeil à G.P
.
Préambule
Un
saut
t
emporel
de
tre
nt
e
cin
q
ans
en
arri
ère,
pour
le
moin
s
—
un
text
e
dormant
qui
ref
ait surface…
.°.°.°.°.°.
Vendredi 4
se
ptembre
20
09
Retour
de
vac
anc
es…
Pour
couper
court
aux
réflexions
lancinantes
sur
le
désordre
chronique
de
mon
atelier-bureau,
je
me
résous
à
en entreprendre le rangement.
Rien
ne
pourra
m’empêcher
de
terminer le chantier dans la journée.
Même
pas
ce
texte
qui
essaie
de
profiter
de
l’aubaine
pour
refaire
surface
après
dix
huit
ans
de
relégation.
Il
s’agit
d’une
tentative
d’écriture,
une
nuit
de
1974
dans
un
bar,
une
expérience
qui
se
répètera
deux
autres fois.
Dix
sept
ans
entre
la
première
nuit
et
la dernière en 1991.
Après
un
rapide
survol
du
texte
se
rendre
à
l’évidence,
il
importe
d’en
faire
une
sauvegarde
informative,
ce
qui
implique
la
suspension
provisoire
des
travaux
de
rangement,
Archéologie préventive oblige.
Tentative de rangement
de
mon at
elier
-bureau parisien
3
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Ouvri
r
l’or
dinate
ur.
Lanc
er
le
t
rait
ement
de
text
e.
Nouveau
Doc
ument
, nom
:
Souterrain.
Sur
l’éc
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n
vie
rge
,
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pa
r
taper
le
titre
en
m
ajuscul
e
:
SOUTERRAIN.
Centrer
.
SOUTERRAIN
Souligner
et
utilis
er
l
es
c
ara
ctères
gras
SOUTERRAIN
4
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
SOUTERRAIN
CLIGNOTTEMENTS
1974
23 HEURES. Ça clignote orange…
Trouver le souterrain qui évite la place
de la Concorde
Fermépourcausedenettoyagenocturne
hebdomadaire.
Se dire qu'il en ira de même avec le
souterrain suivant, celui qui descend
sur la "Voiesurberges", pour
Causidentiquebdomadaire.
Pour rentrer dormir chez soi, près de
la Bastille, les "Quaisrivedroite", un
cran au-dessus, se proposent comme
chemin le plus rationnel.
Faire la sourde oreille à cette
injonction et prendre à droite :
Lepontdelaconcorde, en se disant que
le chemin
Chambredesdéputésboulevardsaintger
mainpontdesully, qu'on va emprunter,
ne devrait pas vraiment vous retarder.
Traverser ainsi une partie du Paris
nocturne aux nombreuses poches de
résistance à
l’engourdissementnormalisé. Se
laisser happer par un bar qui se
terrerait discret près la
Placesaintsulpice, pourquoi pas.
.°.°.°.°.°.
5
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
La nuit. Un bar
.
Pas d'ouverture sur l'extérieur.
Se
retrouver,
coude
sur
un
comptoir
de
bois,
face
à
un
verre
de
Guinness,
le
deuxième,
qui
viendrait
juste
d'arriver.
En
boire
une
courte
gorgée.
Sortir
un
Bic,
une
feuille
de
papier
pliée
en
quatre,
à
cause
d'une
idée,
une
idée
comme
ça…
Écrire
…
Essayer d'écrire…
Écrire
quoi
?
Rien,
tout
et
n'importe
quoi.
Rien
que
pour
voir.
Rien
dans
la
tête,
rien
dans
les
manches.
Une
expérience
comme
ça.
Juste
pour
voir.
Écouter,
regarder
autour
de
soi,
se
servir,
se
saisir
de
Tout,
de
Riens,
de
bribes
de
mots,
de
débris
de
phrases
et
les
coucher
tel
que,
sans
se
poser
de
questions
et
persévérer
pour
voir
si
quelque
chose
va
en
sortir.
Ou
si
rien.
Se
dire
qu'on
a
tout
son
temps
et
rien
à perdre.
Se
dire
que,
quand
bien
même
le
Bic
en
venait
à
faire
des
siennes,
et
que
le
frottement
sur
le
papier
pour
lui
faire
entendre
raison
aboutissait
à
le
percer,
quand
bien,
même…
Se
dire
qu’un
trou
c’est
toujours
quelque
chose.
.°.°.°.°.°.
Devant les yeux,
en enfilade :
un verre de Bière à mousse
persistante à moitié plein,
la bouteille de Guinness
le verre à moitié vide
et puis
moi.
Moi
accoudé
sur
un
comptoir
de
bois.
Moi
qui,
de
l'autre
coté
du
miroir,
devant
un
verre
à
moitié
vide...
au
fond
d'un
étroit
comptoir,
tente
de
repousser on ne sait quelle Limite.
.°.°.°.°.°.
6
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Peu
de
choses
à
dire,
guère
plus
à
écrire
:
Lumières
très
exténuées…
Musique
de
jazz.
Musique
plus
qu'un
fond
sonore,
un
sédiment
sans
lequel
tout le bar s'étiolerait probable…
Qu'écrire ?
Peu
de
monde…
La
sortie
d'un
trio
:
un
type
chevelure
ample
lunettes
rondes
et
noires,
deux
filles…
pas
le
temps de voir les filles.
A
droite,
au
bar,
un
autre
trio…
trois
tabourets
plus
loin
deux
types
et
une
fille… :
―
Yadeusolution,
outalasécu
outapalasécu…
Ça cause "sécu".
―
…Non
parce
que
j'ai
pas
demandé
l'assistance
gratuite
etc…
J'leur
ai
filé
1.500
balles
et
les
papiers
de
la
sécu…
Écrire…
Écrire
en
l'attente
d'une
hypothétique
inspiration
?
Écrire
n'importe
quoi…
La facilité ?… Pourquoi non ?
―
Et
qui
c'est
qui
va
payer
?
…
Des
petites
vieilles,
y
a
juste
des
examens
à
faire,
sont
restées
un
mois
à
l'hôpital…
Surtout ne pas s'arrêter d’écrire…
"SORTIE
DE
SECOURS"
au
dessus
de
la
porte
derrière
le
comptoir,
inscrit
en
lumineux
(Est-ce
bien
rassurant
?)
"ÉVIER
QUI
FUME
SOUS
LE
COMPTOIR,
VERRES
QUE
L'ON
ESSUIE
avec
une
énergie
mesurée"…
―
Quinze
jours
pour
avoir
rien
que
des
analyses…
Les
gens
sont
conditionnés…
Les
gens
sont
plus
capables
d'assumer
leur
maladie.
Moi
je sais, j'irais voir un toubib…
Un
type
seul
vient
d'entrer,
salue
le
barman.
Un
autre
écrit
assis
au
bar…
Que peut-il bien écrire ?…
7
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Quelqu'un
essaie
discrètement
de
regarder
par
dessus
son
épaule…
Faut pas se gêner ! …
Des phrases arrivent par bribes…
― …Les gens s'imaginent que…
―
…
L'autre
quart
c'est
des
privilégiés…
―
…
C'est
par
le
hasard
des
choses…
―
Non
ce
n'est
pas
un
n'hasard,
toi
t'as
échappé
au
système,
t'as
de
la
chance de voir ça de plus loin…
La
population
du
bar
change
au
grès
des
entrée-sorties,
mais
sans
vraiment
changer.
Des
genres
de
spasmes…
―
…
J'estime
que
le
mec…
non
mais
attention
il
y
a
des
mecs,
c'est
le
hasard
certain.
Je
crois
au
hasard,
pas à la chance.
―
Les
gens
ils
sont
là
parce
qu'ils
ont
peur.
―
Moi
le
système
médical
je
peux
pas
supporter franchement non ? …
…
Faut
lâcher
du
lest
de
temps
en
temps,
tu
peux
très
bien
te
soigner
toi
même,
un
petit
exemple
:
il
y
a
des
gens
qui
vont
plus
loin
que
ça
;
moi
quand
j'ai
la
grippe
je
prends
des
cachets.
Il
y
a
des
gens
ils
guérissent
leur
cancer
tout
seul.
Le
cancer
c'est
aussi
psychique
que
la
grippe.
Faut
pas
trop
s'aveugler.
J'en
parle
pas
légèrement.
Dix
minutes
sans
écrire…
C'est
toujours ça d'écrit.
―
…
D'abord
les
gens
ils
attendent…
Ils vont voir un toubib…
La
fille
du
trio
s'emmerde
royalement,
une
cigarette-point
rouge
au
bout
des
doigts.
Un
regret,
ne
pas
avoir
de
magnéto…
Et puis même pas.
8
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Payer et s'en aller ?
Un
air
de
jazz
étonnant
vient
prendre
la
place
du
précédent…
J'attends
encore un instant.
La
porte
qui
s'ouvre
un
court
instant…
Dans
la
rue
un
couple
de
zombis
qui
passe.
Le
trio
sanitaire
en
a
profité
pour mettre les voiles.
A quand mon tour ?
Les
baffles
se
mettent
à
cracher
un
morceau
de
jazz
ultra-connu,
joué
par
un
pianiste
de
jazz
ultra
connu…
Excitant non ?
Une
eurasienne
noire,
belle
comme
le
jour
a
remplacé
avantageusement
la
fille-sécu-du-trio-sanitaire.
Elle
fume
des
américaines
devant
un
ballon
de
rouge, au bout du bar.
Je
commande
un
chili-con-carné
et
un
ballon
de
rouge,
alors
de
toute
façon… C'est reparti pour un tour;
Le
temps
s'écoule…
Entrées,
sorties,
entrées…
Ceux
qui
vont
s'installer
à
gauche
dans
l'obscurité
de
la
salle
ne
m'intéressent
pas,
ils
n'existent
que
furtivement,
au
moment
où
ils
entre-
sortent, et encore.
Je
jette
de
temps
en
temps
un
coup
d'œil
en
direction
de
l'eurasienne
noire,
elle
me
regarde
aussi
de
temps
en temps…
Monchiliarrive
en
même
temps
Quellafitzgérald ― C'est fu-mant!
―
Bonjour
les
enfants
on
vous
attendait,
bonne
année
et
surtout
bonne
santé.
Trois
Guinness
et
un
ballon de rouge et une bière !
― …Elle est nihommenifemme…
― Ah bon ! Elle est plutôt mignonne.
9
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Ce
n'est
tout
de
même
pas
de…
C'est
pourtant
de.
C'est
bien
d'elle
dont
on.
C'est
de
l'Eurasienne
noire
dont
on
vient de parler à voix basse…
…
"La
vie
réserve
bien
des
surprises"
.
Juste
le
temps
d'inscrire
cette
réflexion
puissante
et
de
relever
la
tête, elle a disparu.
5
minutes
qui
passent…
Où
avais-je
les
yeux
?
Elle
est
assise
derrière
moi
sur
une
banquette
rouge
devant
un
ballon
neuf.
Même
de
près,
elle
est
vraiment bien, de très belles mains…
―
La
blonde
qui
est
en
blanc,
elle
te
regarde depuis longtemps.
―
Je
sais,
de
toute
façon
elle
a
de
toutes petites jambes.
―
J'y
ai
dit
écoute…
je
vais
te
dire,
ras-le-bol…
Complètement
bourré,
c'est ce qu'il faut se dire.
Il
y
a
beaucoup
plus
de
monde
qu'au
début
de
mon
entrée
en
bar…
il
y
a
combien de temps ? Pas d'idée.
Fitzgerald
chante
toujours,
comme
jamais. Sacrée bonne femme !
En
l'occurrence
est-ce
toujours
Lafitzgérald
qui
chante
?
Ne
serait-ce
pas
plutôt
Mahaliajackson.
Ou
Ninasimone
?
Pas
Lamathieu
c’est
sûr.
A
vrai
dire
je
n'ai
pas
très
bien
suivi
et
puis
de
toute
façon
mon
inculture
crasse
m'autorise
à
ne
pas
faire
le
distinguo.
D'abord
l'inculture
ça
se
cultive
au
quotidien,
ça
s'entretient
sinon
ça
se
perd
très
vite,
la
preuve.
Mon
inculture
a
encore
des
progrès
à
faire,
personne
n'est
totalement
parfait, no body.
Ce
que
je
sais
c’est
que
Lamireille
ne
chante
pas
sur
le
même
tempo
horaire.
A
chacun
son
créneau.
Il
n'est
pas
nécessaire
de
sortir
de
la
cuisse
de je ne sais qui pour le savoir.
10
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Et
puis
tout
ça
a-t-il
une
grande
importance
en
cette
heure
qui
n'en
est
plus une ?
La
Gérald-Jack-Simone
chante
à
la
bonne heure pour l'heure.
Un
type
et
deux
femmes
sont
à
ma
droite,
une
brune,
une
blonde.
La
blonde
la
quarantaine
épaisse.
Elle
semble
me
faire
des
signes
depuis
un
moment.
Qu'est-ce
qui
lui
prends
?
En
fait
elle
fait
des
signes
dans
le
vide.
En
fait
pas
tout
à
fait
dans
le
vide.
Elle
me
fait
des
signes,
à
moi
mais
comme
si j'étais derrière moi.
Je
me
suis
tout
de
même
retourné,
discrètement.
Soulagement
je
n'y
étais pas !
Problème
de
focalisation
?
A
moins
que…
Je
préfère
ne
pas
chercher
à
approfondir
et
me
remettre
la
tête
dans Fitzgerald.
Serais-je
parti
pour
finir
la
nuit
ici
?
Pourquoi pas. Pourquoi?
Dois-je continuer à écrire ?
"FUMEES
DE
CIGARETTES,
UN
TABOURET
DE
BOIS
au
repose-cul
carré
verni
foncé
brille
sur
tranche."
…
"LE CIEL EST
11
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
BLEU LA MER EST CALME LES
OISEAUX CHANTENT" et basta !
Fin
d'expérience.
À l'évidence
le stylobille
n'avait rien
dans le ventre.
Encre sympathique ?
Trop tard
pour répondre.
Assez rigolé
.°.°.°.°. Payer,
Il est
laisser
23 heures.
l’eurasienne
Cette nuit à son ballon,
je viens de l’Alma la fausse blonde
je rentre chez moi, à son décalage,
Là bas la tranche brillante
ça clignote orange à son repose-cul,
à la hauteur de l’entrée Lafitgerald
du premier souterrain à la toile
pourvu que ce ne soit pas qu’elle tisse,
jourdenettoyagenocturne- et bye
hebdomadaire bye
auquel cas le souterrain suivant salut.
qui descent vers les voies sur berge va
c’est sûr, être fermé.
Ce serait dommage car car j'éprouve
toujours un certain plaisir à les
emprunter de nuit, lorsque les ponts et
monuments sont embrasés.
Parcours magique : La Conciergerie,
Notre Dame, Notre Dame illuminée !…
12
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
…
Bonne
nouvelle,
le
clignotement
venait
d'ailleurs.
Ça
me
réjouit
et
dans
une
dizaine
de
minutes,
lorsque
j'aurais
rejoint
mon
lit,
nul
doute
que
ces
images
ne
m'auront
pas
quitté
et
ne
s'estomperont
qu'avec
la
tombée
du
sommeil.
Tandis
que
non
loin,
un
certain
Paris
se
préparera
à
veiller
jusqu'à extinction complète de la nuit.
.°.°.°.°.°.
13
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
SOUTERRAIN
BÂILLEMENT
19??
Je
prends
la
voie
sur
berge
rive
droite.
Je
passe
devant
la
Conciergerie
illuminée.
2,09m
premier
pont.
Pont
Royal.
Pont
du
Carrousel.
Pont
des
Arts.
Pont
Neuf.
Pont
au
Change
2,08m.
Pont
Notre
Dame
"3,1m.
Pont
d'Arcole
sans
précision.
Passerelle.
Pont
Louis
Philippe
3,1m.
Pont
Marie
2,7m. Pont de Sully 3,1m.
Sortie
de
la
Voiepompidolienne
sur
berge,
je
ne
me
souviens
pas
avoir
aperçu les lueurs de Notre Dame.
Mettre
ça
sur
le
compte
de
la
distraction. D'une panne d'éclairage ?
Et
puis
être
pris
d'un
doute.
Se
demander
si
elle
a
jamais
été
visible
des
voies
sur
berges,
et
se
dire
qu'on
a peut-être rêvé…
ÊTRE
PRIS
D'UN
IMMENSE
BÂILLEMENT,
qui
vous
inviterait
plus
à
aller
vous
coucher
qu'à
aller
satisfaire
un
ôtemoidoncdundoute
qui
n’aurait rien de très urgent…
CECI DIT…
Deux
petits
hommes
rouges
se
tenant
par
la
manche,
accrochés
à
un
poteau
de feux tricolores au vert.
TRAVERSER
en
dia
go
nale.
Se
fau
fi
ler
en
tr
deux voitures, e, deux
voitures en stationnement où vous
14
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
attend,
fraîchement
déposée
dans
le
caniveau,
pile
poil
sur
une
croix
blanche une…
― Et merde !
Découvrir
sur
le
trottoir,
accolées
à
une
flèche
blanche
pointant
la
croix
du
caniveau,
deux
têtes
de
chiens
d'une
blancheur
goguenardesque
qui
vous
narguent.
D’habitude
les
canidés,
insensibles
aux
peintures
rue-pestres
municipales,
répugnent
à
utiliser
les
emplacements
qui leur sont dédiés.
Dire
qu’on
était
en
chemin
pour
aller
se
coucher
et
qu’on
se
trouve
là,
à
traîner
sa
semelle,
au
sens
propre
comme
au
figuré.
Se
dire
qu'on
ferait
mieux de tourner les talons. Ceci-dit…
― T'as pas une pièce ?
Je donne…
Suis installé au bar.
― Une Guinness !
Deux
pelés
trois
tondus
dont
deux
parlent avec l'homme du lieu.
― Hier c'était plein.
―
Les
clients
jusqu'à
1
heure
c'est
des
gens
qui
travaillent.
Puis
vers
2
heures
les
traînards
arrivent,
les
gens
qui vivent autrement…
Suis
assis
juste
près
l'angle
que
fait
le
bar.
A
l'autre
bout,
à
gauche
:
une
pochette
qui
attend
le
retour
au
bercail
de
son
disque
sorti
se
faire
gratter
par
un
saphir.
―
…
Avec
tous
les
trucs
que
tu
as
à
payer,
si
tu
gagnes
pas
du
pognon,
tu
payes
comment
?
C'est
toujours
les
mêmes
qui
viennent,
mais
ils
viennent
comment ?
15
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
― Bonjour. ― Bonsoir.
―
Bon
Bernard,
à
quand
?
Samedi
oui… travaille bien.
―
Bonne
nuit
et
soyez
en
forme
samedi.
Sortie des deux tondus du bar.
Reste Bernard, l'homme du lieu.
Pochette
attend
toujours
son
protégé
de
vinyle
noir.
Elle
affiche
:
"DETROIT
NEW
YORK
JUNCTION"
"THAT
JOHN".
Une
Guinness
est
devant
moi
pendant
que
Bernard
cherche
le
prochain
disque. L'a trouvé.
―
Est-ce
qu'il
est
possible
d'avoir
un
petit chili ?
― Un seul ?
― Un seul oui.
De
ce
bref
échange,
un
consomma-
teur-Bernard-le-consommateur,
j'en
déduis
qu'il
est
possible
de
se
faire
servir un chili. Je m'en doutais.
Suis seul au bar.
Tabourets
aux
reposes-fesses
circulaires
en
skaï
rouge-sang-de-
bœuf.
Au
mur
:
exposition
de
photos
portraits
: jeunes faisant la grimace…
― Ca fait 52 francs.
Un couple s’en va.
― Au revoir.
…
Attention
grimaces
gentilles,
pas
grimaces
affreuses,
grimaces
de
collégiens.
Disqu
e
q
ui
to
urne,
se
refl
ète
d
ans
cou
v
ercle
tr
ans
pa
ren
t…
Solo
de
batt
eri
e
av
ec
i
ncrustation
de
trompette.
Sa
phi
r
qui
frise
le
n
oya
u
d'id
entit
é…
fi
n
de
face
.
R
app
el
de
b
ras
.
16
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Mise
en
plac
e
d'un
dis
qu
e
at
tentio
n
cra
chouillis
.
Ne
date
pas
d'a
ujo
urd
'hui.
Pian
o…
yest
er
day
(Que
disai
s-je
,
ça
s'inve
nte
pa
s)
Y
est
erd
ay…
cr
ach
ouillis
…
yest
er
day.
La
chan
teuse
cha
nte
au
milieu
des
crach
o
uillis.
Elle
me
regarde
depuis
sa
poc
hette,
c
omme
si
elle
v
oulai
t
s'excuser
pour
les
cra
cho
uillis.
Si
c'est
ça
,
ell
e
a
bie
n
t
ord,
ils
ont
bie
n
gagné
le
droit
à
l'
exist
enc
e
l
es
crachouillis
non
?
Ye
ste
rd
ay
…
yesterdaycrachouillis.
Le t
emps
pati
ne…
Je
me
trompe
peut
êt
re
s
ur
ce
qu'
elle
c
herc
he
à
me
dire.
Son
regard
es
t
en
fait
illisible
t
out
com
me
l'est
s
on
nom
de
lettres
v
ert
es
s
ur
fond
noir
et
bla
nc.
Et
puis
la
poch
ett
e
es
t
loin
de
moi
et
puis
elle
est
ro
ngé
e
par
le
temps
…
Les
ronge
urs
du
temps
…
Impitoya
bles
ro
ng
eurs
.
S
ac
rés
ronge
urs
… Enfin bon…
Quat
re
personnages
à
un
e
t
abl
e,
deu
x
à
une
aut
re.
On frappe
à
la
port
e.
― Pousse
!
― Je suis toute seule…
Une
belle
brune
aux
chev
eux
court
s,
i
mper
ci
ré
noi
r
.
Elle
télépho
ne.
―
…
al
ors
v
ou
s
p
ouv
ez
me
pass
er
Olivie
r
s'il
vous
plait
?
C
omment
?
O
ui
merci
…
Allô
Olivie
r,
tu
vi
ens
me
chercher
?
…
J'te
r
aco
nte
pas
tu
vi
ens
me
cherc
her
?
…
Bien
à
tout
à
l'
he
ur
e.
Elle rig
ole.
Je ne la
vois
plus
, cachée
par le
pilier
.
Bernard parle
av
ec ell
e.
―
Hier
j'ai
bos
sé
comme
un
e
bêt
e,
et
a
ujou
rd'
hui…
―
Combien
je
vous
dois
Monsieur
le
directeur ?
24
heures
38,
deux
s'en
vont
dont
une
fille
un
peu
titubante.
Fin
de
disque. Changement : "REMEMBER
17
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
CLIFFORD
BROWN"
un
trompettiste
noir,
noir
et
blanc
sur
la
pochette
souffre dans une trompette.
( Disque 52-53 remis en place )
― Une autre Guinness.
On retire mon verre.
― C'est pas la peine.
― Il faut bien le rincer.
―
Faut
ce
qu'il
faut.
Grimace
sur
la
pochette/homme sur un mur.
24 heures 54. Table de quatre :
― Il faut payer ?
― Oui.
A
ce
rythme
je
vais
bientôt
me
retrouver
tout
seul.
Enfin
pas
tout
à
fait, j'oubliais derrière le pilier :
―
Olivier
il
va
m'engueuler,
ce
matin
j'ai
vu
un
petit
pigeon
dans
l'entrée,
alors
j'ai
pas
pu
m'empêcher.
Alors
qu'est-ce
qu'il
va
imaginer.
Il
est
jeune
j'espère
qu'il
va
tenir
jusqu'à
Noël…
Non
pas
pour
le
manger,
je
l'emmènerais à la campagne.
Qu’écrire…?
Que
la
fille
derrière
le
pilier parle Olivier…?
LA
FILLE
DERRIERE
LE
PILIER
PARLE OLIVIER. Voilà c'est fait.
Cutty Stark… ?
CUTTY
STARK,
la
tête
en
bas
au
dessus
d'une
bouteille
de
Four
Roses…
― Un black and White sans rien.
Bernard
cherche
un
disque
pour
après…
En attendant : GET 29.
18
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
WALKER'S
GIN,
PROTECTION
DES
MINEURS
répression
de
l'Ivresse
Publique, jauni, fripé.
REMY MARTIN.
GLENFIDISH.
GLEN GRAND.
PORTO DE BAIALA…
1
heure
06.
La
fille
parle
maintenant
cochon
d'inde
qui
se
balade
en
liberté.
Fin du disque.
Celui
qui
prend
la
relève
commence
par
un
crachouillis.
Puis
contrebasse
qui
joue
seule
en
intro
:
"CANNONBALL SOUND" 1 heure 10.
Dans
la
rue,
derrière
la
porte
s'entendent
parfois
des
pas
sur
le
pavé.
Les
toilettes
doivent
être
en
haut
du
petit escalier…
Entrée de quatre types et une fille.
― On vient voir Carcasse.
Déduction
:
sous
la
même
carcasse
se
cachent Bernard et Carcasse.
C'est
un
ancien
d'Indochine…
On
parle chasse, Lot, Sologne, cochon…
― Il n'y a plus de cerfs.
― C'est un grand chasseur.
―
Mon
avocat
est
tout
près,
c'est
un
type
très
bien,
mais
pas
un
bon
avocat
pour
l'immobilier,
mais
pas
quand
on
a
des emmerdes. T'as fais l'Indo ?
―
J'étais
avec
une
femme,
la
plus
belle
femme
que
j'ai
jamais
connue.
C'est
la
Police
Militaire
qui
est
venue
me
chercher.
Ils
m'ont
ramené
à
mon
corps…
!
Une
Allemande
qui
avait
servi dans la Flag.
Être ramené à son corps…
Entrent
deux
types,
vont
derrière
le
pilier.
L'un dit être Olivier.
Entrent quatre.
S'asseyent au bar à droite.
― Ya pas grand monde dis donc !
― Hier c'était bourré.
Entrent deux autres.
― Ah ils sont pas dans la merde !
A
droite
on
parle
"Seule
femme
qu'on
a jamais connue."
Elle
m'a
dit,
toi
je
te
veux,
et
moi
je
m'imaginais
que
c'est
moi
qui
faisais
tout.
―
C'était
une
autre
époque.
Il
m'arrivait
de
fermer
à
9
heures
du
matin,
parfois
2
heures
de
l'après-
midi. C'était la fête à l'époque.
Deux types sont ressortis.
1
heure
56.
Il
ne
se
passe
rien.
Peut-
être qu'à partir de 2 heures du matin ?
Le
disque
se
termine…
Non
juste
une
plage.
Je descends l'escalier.
Au
bout
du
bar
on
parle
Corée,
guerre
d'Indochine,
les
Russes,
l'Afghanistan,
résistance…
On
parle
du
petit
paysan
afghan :
―
Y
a
des
forces
étrangères
qui
sont
derrière… obligé.
La fille :
―
Dans
ma
famille
ils
disent
:
"j'suis
pas
raciste"
on
voit
qu'ils
vivent
à
la
campagne.
― Bonsoir.
Arrivé d'un couple.
19
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
20
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Les
trois
derrière
le
pilier
se
préparent
à lever le camp.
Cette fois-ci fin du disque. "
DETROIT
NEW
YORK
JUNCTION,
THAT (?) JOHNES"
Sortie
des
trois
/
Entrée
trois
types
éméchés :
―
Qu'est-ce
que
t'as
comme
champagne ?
― René Lalou. Le meilleur.
―
J'ai
toujours
fuit
les
gens
qui
buvaient beaucoup.
―
Moi
je
trouve
que
Paris
on
dit
c'est
chiant,
on
s'en
va,
on
revient,
on
se
rhabitue.
―
Tu
sais
je
suis
allé
en
cachette
voir
Cézanne.
―
Les
galerie
m'emmerdent,
l'Avant
Garde
m'emmerde…
Un
qui
est
bien
c'est Morandi.
Celui qui parle c'est Raymond…
Un "MY FUNNY VALENTINE" passe.
Il
y
a
beaucoup
plus
de
monde
à
présent.
Il est 3 heures 02.
Raymond
parle
à
un
vis-à-vis,
rond
comme
une
bille.
Est-il
en
état
de
comprendre quelque chose ?
―
On
s'est
foutu
de
ma
gueule
mais
maintenant
il
y
a
des
choses
que
j'ai
pas
voulu
vendre…
Quand
au
problème
de
l'art
en
France…
Vous
m'abandonnez
Eric
et
moi…
Alors
Jacques
est
un
type
formidable…
En
attendant si… Ça m'emmerde…
―
J'aime
les
rhododendrons.
J'aime
sa personnalité.
J'adore
les
artistes
de
la
Place
St.
Marc
mais
le
côté
académique
de
l'avant-garde me fait chier.
―
Vous
ne
seriez
pas
Monsieur
Murdock ?…
C'est
à
moi
que
la
question
est
posée.
21
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
―
…
Parce
qu'on
demande
Monsieur
Murdock au téléphone.
Même pas le temps de me disculper.
A droite un voisin pas très clair :
―
C'est
une
voix
d'homme
ou
de
femme ?
― C'est un monsieur qui le demande.
―
Ah
bon,
dites-lui
que
je
suis
là,
je
le
prends tout de suite.
― Qu'est-ce que tu fais, toi ?
La
question
est
encore
pour
moi,
elle
vient cette fois de ma gauche.
J'élude.
De
toute
façon
je
n’en
sais
rien.
― Rome est très près de la Bretagne.
― Deauville c'est affreux.
― Trouville c'est marrant.
―
Moi
je
suis
tombé
amoureux
de
Troyes.
J'adore
les
petits
voyages
pas
trop loin
Les voyages pas trop loin
pour moi en tout cas
le voyage n'ira pas
jusqu’au bout de la nuit.
Et bye-bye salut…
°.°.°.°.°.
22
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Il est
un peu plus
de
23
heures.
Être
en
train
de
quitter
les
voies
sur
berges.
J'essuie
d'un
revers
de
main
mes
yeux
embués
au
sortir
d'un
bâillement
prolongé.
Ah
quel bâillement !
Se surprendre à dire :
―
Au
diable
Notre-Dame
…
Mon
lit
m'attend,
je
suis
presque
arrivé,
pour
le reste…
.
23
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
SOUTERRAIN
COMPACT
1991
23 HEURES 10.
Pour
rentrer
chez
soi,
du
11ème
arrondissement
jusque
dans
le
17ème
j'ai
le
choix
entre
:
Avenue
Ledru
Rollin
-
Place
de
la
République
où
:
les
quais
du
canal
St.
Martin
-
Pigalle
-
etc.
Ou
alors
:
rue
de
Rivoli.
Et
puis
Opéra
-
rue
de
Rome
etc.
Ou
bien
Concorde Madeleine et etc.
La
deuxième
proposition,
plus
raisonnable,
évitant
les
Barbès-
Pigalle-Blanche
-
Clichy,
trop
de
monde,
trop
de
voitures,
trop
de
cars.
Je préfère Boulevard Saint Antoine.
Le Palmier.
Bar Buffet froid Le rallye.
Bar La Fontaine.
Le Voltigeur.
Place de la Bastille
Le Rey.
Café Français.
Rue Saint Antoine
Le Jean Bart.
Le Rivolux.
La rue Saint Antoine perd son nom en
passant devant l'Eglise Saint Paul,
devient rue de Rivoli
Le Fontenoy.
Lingerie Bonnet Blanc.
L'Eclair Bar.
Royal Bar.
Bar Tabac de la Mairie.
Stella Artois Les Rivolines.
Place de l'Hôtel de Ville.
Devant : Saint Jacques et sa tour en
vue.
Aux Armes de la Ville
Salon de thé Relais de l'Hôtel de Ville.
24
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Tabac des Templiers.
La tour Saint Jacques.
Boulevard
Sébastopol
qui
coupe
Rivoli.
On
voit
la
conciergerie
du
feu
rouge.
Le Chat Noir.
Café Le Rivoli.
Brasserie Paoli piano bar.
Le Masséna.
Brasserie du Louvre sandwichs
crêpes gaufres boisson cidre breton
Salon de thé bar des Aigles.
Café international self.
Café Le Carrousel.
Le Welcome.
23 HEURES 25 Place de le Concorde.
Se
dire
que,
au
point
où
on
en
est…
et
malgré
l'appel
à
la
raison
de
La
Madeleine
au
fin
fond
de
la
rue
Royale,
se
diriger
à
l'opposé,
vers
le
pont
de
la
Concorde
en
se
faisant
la
remarque
qu'il
n'est
pas
dit
qu'on
aura
pas vu Notre Dame.
23 HEURES 25 Place de le Concorde.
Un
camion
devant.
Il
gêne
pour
tourner
à
gauche
direction
le
souterrain.
ND
90
le
modèle
du
camion
?
CBH
39
57
80
00
Bennes
Équipements
Spéciaux
inscrit
sur
la
benne.
Plaque
d’immatriculation
poussiéreuse
4250
ND
93…
ND
93…
ND Notre Dame…
Bon,
essayer
de
le
contourner
par
la
droite.
Etre
allé
trop
loin
et
ne
plus
avoir
la
possibilité
de
tourner
à
gauche.
Plus
qu’une
seule
solution
prendre
tout droit le pont de la Concorde.
25
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
En
face
de
la
chambre
et
son
petit
.drapeau
bleu
blanc
rouge
en haut du fronton.
A
droite
:
Tour
Eiffel.
A
gauche
Tour
Montparnasse
et
tiens-donc…
:
Notre
Dame
éclairée…
Se
dire
qu’on
l’aura
quand
même
vue.
Y
aurait-il
un
Bon-
Dieu pour les…
Boulevard St. Germain.
Le Concorde Bar
Le Dauphine
Le Solferino
Aux Ministères
Le Bizut
Le Rouquet
Gaz à tous les étages au 188
Bar Tabac P.M.U. Le Reintas
Taverne Saint Germain
Lip
Le Flore, Les Deux Magots
Drugstore
La Place Saint Germain
Le Saint Claude
Le Mabillon
Bistro de la Gare
L’Atrium
Le Mandarin
A la Pomme de Pain tourner à droite
Le Danton
Killian’s Tavern 250 bières bouteilles
bières pression moules frites
Le Condé
Hôtel
Louis
II
prendre
à
droite
la
rue
St.
Sulpice,
apercevoir
une
des
tours
de
l’église.
De
la
lumière
filtre
des
seules trois ouvertures visibles.
25
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Café de la Mairie.
Stationne à droite de l’église.
Hôtel Récamier qui affiche ses deux
étoiles en lumineux.
Librairie ‘L’Homme Nouveau’ :
‘Les combats contre l’Espérance’
‘La révélation de la sagesse’
‘Ceux qui croyaient au ciel’
‘Le communisme face à Dieu’
Questions Inévitables…’
Sur la place une tente plantée :
Exposition de pain d’épice.
Dans la rue
Via
le bar
aboiements de petit chien
Deux femmes un homme
Une des femmes :
--
Les
puces
ne
vont
pas
sur
l’homme.
L’homme :
-- Elles vont sur les femmes. Il rit.
La femme :
-- Si elles y vont-elles y restent pas.
Un
t’as
pas
une
pièce
accroché
aux
pas de deux femmes à fourrure.
Suis
devant
la porte
26
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Entre.
Marque
un
temps.
Hésite.
Ressors
pour
ôter
d’un
doute.
Constate que pas d’erreur.
Rentre.
Un tabouret libre
devant le comptoir, à droite
d’un homme jeune occupant
celui du bout
contre
le mur.
Fait un signe pas occupé ?
Il fait comprendre que non.
Tabouret
métallique
skaï
gris,
mini
dossier qui arrive bas des reins.
Inconfortable.
Aurais
préféré
le
sien
avec
mur-
appui-dos
et
possibilité-être
de
biais
pour embrasser toute la salle.
Bien
le
même
lieu
mais
plus
le
même
volume.
Bar a changé de place, de forme.
Tout,
semble,
comment
dire,
plus
petit, plus compact.
Subsiste le jazz. La musique de jazz.
Derrière le bar, deux barmen.
La
commande
d’une
Guinness
à
l’un
d’eux.
-- C’est possible d’avoir Chet Backer?
Voix
qui
vient
de
derrière
et
qui
devant
dans
le
miroir
de
fond
de
bar
porte
le
visage
barbu.
Elle
demande
ça
au
chef
de
l’endroit
qui
discute
avec le voisin de tabouret.
-- Pas de problème.
27
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Il
passe
derrière
le
comptoir
farfouiller
dans les rangées de compacts.
Les
compacts,
ça
aussi
c’est
nouveau.
Un
‘
S’il-vous
plaît
comment
je
fais
pour
retrouver
la
Bastille
d’ici’
posé
à
l’un
des
deux
barmen
par
une
blonde
à
droite
qui
s’apprête
à
partir
en
écrasant
un
mégot
dans
un
cendrier
‘Champagne
Lanson
Reims’
qui
déclenche
un
‘Boulevard
Saint
Germain
tout
droit’
et
fait
sortir
la
blonde.
Un
‘T’es
un
pauvre
et
t’es
content
de
l’être’
en provenance du chef de bar. *
--
Ça
les
emmerde…
que
tu
sois
paumé
mais
au
moins
au
milieu
des
gens reconnus…
Il
est
bien
imbibé
le
voisin-tabouret-
dossier-mur.
Fais
de
mon
mieux
pour
être
bien
lisse.
Offrir
le
minimum
de
prise
à
une
sollicitation
verbale
qui
me
pend
comme le nez au milieu de la figure.
--
C’est
vrai
cela
tu
peux
le
regretter
mais
c’est
vachement
acceptable,
c’est
sa
force…
…Les
paumés
du
petit
matin…
Je
peux
plus
rester
dans
mon studio dans le 19
ème
…
--
Et
tu
vas
déménager
pour
quel
arrondissement ?
Logiquement le 20
ème
.
--
Attention
tu
peux
très
bien
vivre
dans le 19
ème
et péter dans la soie.
--
Oui
mais
j’en
ai
marre
de
ne
pas
pouvoir
me
laver
tous
les
soirs
dans
ma douche…
Il a un problème de femme.
--
…C’est
une
jeune
femme
j’aurais
accepté
de
lui
faire
un
enfant…
J’ai
fait
l’amour
avec
des
nanas
en
même
temps.
Un
jour
je
faisais
l’amour
à
Hélène
et
je
me
suis
demandé
:
qu’est-ce que je fais là ?
29
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
23
heures
50.
Changement
de
disque
:
Compact
Chet
Backer.
C’est
petit
un
étui
de
compact,
difficile
à
déchiffrer
de loin.
--
…deux
femmes
que
j’aurais
voulu
engrosser, Eveline et Hélène…
Suis
jaloux
de
sa
position
de
dos
au
mur
(je
me
comprends),
position
stratégique
qui
embrasse
tout
le
bar
et
dont il n’a rien à faire. Quel gâchis !
Souhaiterais
qu’il
la
quitte
pour
la
lui
prendre.
En
attendant
le
chef
du
bar
lui parle :
--
…
Je
fais
un
retour
au
répertoire
classique.
--
Le
répertoire
classique
c’est
quoi
Bartók ?
--
Je
vais
à
la
discothèque
de
Halles
et
je
suis
en
train
de
me
faire
tout
Chostakovitch.
--
La
musique
et
la
lecture
actuellement
ce
sont
des
actes
de
luxe
et
je
crois
que
ça
va
être
notre
luxe…
Tabouret
inconfortable,
écrit
péniblement.
Garder
une
certaine
contenance n’est pas chose aisée.
Pochette
du
disque
suivant
déjà
en
place
sur
chevalet,
prêt
à
venir
remplacer le compact.
--
Tu
peux
me
mettre
un
coup
de
Mingus ?
--
Attends
attends
tu
vas
plus
vite
que
la musique.
Il retourne derrière le bar.
Se
retrouve
seul,
le
voisin.
Se
met
à
déclamer.
--
Nous
nous
dîmes
adieux
et
puis…
et puis quoi ?
Une tirade qu’il ne retrouve plus.
--
Ils
se
foutent
de
la
musique
!
Pourquoi
les
nègres
se
font
chier
pour
les blancs ? Ils devraient nous oublier.
-- Tu reste là pour bouffer ton chili ?
30
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Il va rester là pour bouffer son chili !
--
Regardons-nous,
nous
sommes
affreux.
Un
nasillard
‘Ma
propre
fille
dort
avec
des
gens
à
droite
à
gauche,
en
plus
elle
a
le
cancer…’
d’un
type
au
bar
à
sa voisine cheveux roux et chien.
Au
dessus
de
l’escalier
une
ardoise
petit
salé
aux
lentilles
chili
carné
chou
farci.
Mangeur
de
chili
à
gauche
pas
prêt
de
partir.
--…
Cancer.
Hôpital
Américain,
médecin…’ registre nasillard, à droite.
Soudaine
velléité
d’intervention
de
la
gauche,
dans
la
conversation
de
droite.
Intention
d’en
découdre
contrée
in
extremis
par
un
‘Où
tu
vas
où
tu
vas
?! sans appel du gardien de bar.
Reste
sans
surveillance,
durant
5
minutes
mais
est
désormais
neutralisé, définitivement :
--… Quelle tristesse, quelle tristesse…
Commence
à
être
intégré,
ai
presque
l’impression
de
faire
partie
des
meubles.
La
Guinness
?
Peut-être,
en
partie.
-- Quelle tristesse.
Il
a
du
mal
à
tenir
sur
son
tabouret.
M’attends
à
ce
qu’il
s’effondre
à
tout
instant.
Voyant
rouge
qui
s’allume
:
quelqu’un
qui
sonne
à
la
porte
:
la
rousse
sans
son chien qu’elle a dû aller coucher.
Il
est
1
heure
moins
5,
à
gauche
voisin
sur
le
point
de
renverser
son
verre
de
bière sur le comptoir avec son coude.
1
heure
moins
3,
s’endors
la
tête
sur
le
comptoir
ponctué
par
un
‘Alors
Coco
t’as
une
faiblesse’
qu’il
ne
relève
pas.
Un type vend des roses.
31
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Un
noir
avec
mallette
noire
serrure
à
numéros
;
il
l’ouvre
et
montre
son
contenu.
Rien
dedans.
Ah
si,
des
pins,
épinglés sur la garniture du rabat.
Signal
rouge.
Deux
types.
Ils
vont
s’assoir à une table.
Barman
qui
agite
un
shaker
sur
fond
de solo de batterie.
Barbu
dessus
de
crâne
dégarni
petite
queue
de
cheval,
col
roulé
vert
sous
sa veste venu se poser à droite :
-- Une bière… A part ça ?
Ai
le
plus
grand
mal
à
décrypter
les
conversations
à
cause
d’un
haut-
parleur trop près à gauche.
Pochette
de
disque
avec
photo
d’un
personnage, ‘PRESS’ écrit en titre.
Sortie
:
deux
types
casque
sous
le
bras,
un
type
casquette,
une
fille
foulard boucles d’oreilles dorée.
Ella
Fitzgerald
chante
en
compact
le
son propre.
Le barbu a payé, est sorti.
Une
pochette
de
disque
vinyle
‘‘Modern
Jazz
Quartet
Milt
Jackson
écrit
en
répétitif’
a
pris
place
sur
le
chevalet
annonçant
la
fin
prochaine
d’Ella liftée compact.
Deux
coupes
de
champagne
se
font
commander.
Une
table
qui
parle
fort
fait
entendre
un
‘Marseille
est
la
seule
ville
italienne
de
la
France’
entre
Ella
lifté-compact et Milt Jackson Vinyle.
Retour
du
marchand
de
roses
2
heures
moins
10.
Il
a
fait
le
plein
de
roses.
L’Equipe
qui
titre
‘Le
dessous
du
panier’
parcouru
par
chef
du
lieu
debout derrière comptoir.
A
droite
trois
types
une
fille
s’installent
derrière
on
prononce
‘Dakar’.
Conversation qui tourne au sport.
32
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Protection
des
Mineurs’
marronnasse
et
rongée
aux
coins
inférieurs
a
été
mis sous verre pour la figer en l’état.
2
heures
10,
yeux
qui
commencent
à
fatiguer.
Bâillement
réprimé.
Hésite
entre
prendre
une
dernière
Guinness
ou mettre les voiles.
Un
‘J’étais
tombé
dans
l’eau
ça
fait
chier
!’
entendu
dans
la
conversation
à
la table derrière.
Suivi
de
peu
par
un
‘La
bière
c’est
pas
mauvais,
ça
lave
;
un
whisky
une
bière, un whisky une bière,
La
bière
ça
lave,
la
bière
seule
c’est
mauvais’.
2 heures 35,
Voisin
de
gauche
sur
le
point
de
s’effondrer
se
reprend.
Plus
aucun
espoir
de
prendre
sa
place,
est
parti
pour la nuit.
Voiture
au
pied
de
la
St.
Sulpice
éteint. Concorde Madeleine.
4
heures
20
une
place
libre
rue
Legendre
face
à
l’église
Saint
Charles
de
Monceau.
17
ème
.
Au
coin
de
la
rue
Legendre
et
rue
de
Tocqueville
un
panneau
de
la
ville
de
Paris
affiche
:
‘Les
dessous
de
la
ville,
Paris
souterrain.
Exposition
de
l’Arsenal
du
14
Décembre
au
31
mars
1991…
4
heures
20.
Qu’ai-je
pu
faire
pour
rentrer si tard ? … J’ai un trou.
.°.°.°.°.°.
33
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
L’EFFET BOUCHON DE
CHAMPAGNE À PLUME
7 septembre 2009
Il est dix huit ans plus tard
8
heures
50.
Le
temps
est
au
beau.
J’ai
déposé
ma
fille
devant
sa
nouvelle
école près du Luxembourg.
Je
suis
sur
le
chemin
du
retour.
Quitter
le
Boulevard
Saint
Michel
et
prendre
à
gauche,
passer
derrière
le
théâtre
de
l’Odéon…
Garer
sa
moto
place
Saint
Sulpice.
Emprunter
à
pied
la
rue
des
Canettes,
puis
la
rue
à
droite
pour
voir,
voir
si
le
bar… Il est toujours là.
Belle lumière. Je prends des photos.
Photos
de
l’Église
qui
se
restaure,
un
panneau
de
la
ville
de
Paris,
la
Mairie
de
Paris
restaure
la
tour
nord
…
Photos
de
la
fontaine
des
quatre
points
cardinaux,
photos
de
l’eau
et
de
ce
qui
y
flotte.
Feuilles
mortes
ayant
forme
de
bouches
charnues,
pailles
pour
boisson
transparentes
se
tenant
verticales
entre
deux
eaux
;
sous
la
statue
de
l’évêque
de
Cambray
un
bouchon
de
champagne
avec
plumes
et
duvet
engagé
dans
une
course
paresseuse
autour
du
bassin
poussé
par un souffle de vent discret…
Traverser
la
rue,
commander
un
petit
noir sur le zinc du
Café de la Mairie.
10
heures
et
des
poussières
la
fontaine s’est réveillée. S’y rendre.
Tout
est
chamboulé,
le
bouchon,
chahuté,
repoussé
vers
le
bord,
a
perdu ses plumes.
Photographier
autour
de
soi
tout
en
essayant
de
retrouver
les
endroits
mentionnés dans le texte.
34
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Si
le
bar
de
nuit
et
le
Café
de
la
Mairie
répondent
présent,
l’Hôtel
Récamier
qui
n’a
pas
changé
de
place
n’arbore
plus ses deux étoiles…
Disparition
par
contre
des
éditions
‘L’Homme
Nouveau’
et
ses
Questions
Inévitables
.
Tomber
sur
une
autre
maison
d’édition
L’âge
d’Homme
à
quelques
pas
de
là
.
Une
affichette
jaunie
derrière
la
vitre
poussiéreuse
d’une
porte
condamnée
:
Alexandre
Zinoviev
L’Avenir
Radieux
Médicis
Etranger 1978.
Il y a 31 ans.
Disparus
aussi
les
avatars
de
chiens
blancs
sur
les
trottoirs
et
les
croix
blanches
dans
les
caniveaux.
Réussir
à en débusquer quelques traces.
De
retour
chez
moi,
je
visionne
mes
photos…
Une
inscription
apparait
à
la
base
du
bouchon
de
champagne,
en
partie
masquée
par
des
plumes,
‘
…AMPAGNE
…
les’
;
d’autres
lettres
en haut
‘…ETT’.
8 septembre 2009
Déposer sa fille à son école…
Se
garer
à
droite
de
l’église
Saint
Sulpice…
Aller
sans
attendre
à
la
fontaine.
Le
bassin
ne
semble
pas
avoir
été
nettoyé.
En
faire
plusieurs
fois
le
tour
;
rien
devant
F-S-FENELON
ARCHEVEQUE
DE
CAMBRAY,
rien
devant
Massillon,
rien
devant
l’évêque
de
Nîmes,
pas
plus
devant
Bossuet
évêque
de
Meaux,
disparu
le
bouchon.
9
heures
22
.
Un
point
rouge,
sur
une
plume
sur
l’eau
qui
attire
l’œil.
Un
point
rouge
à
points
noirs.
Une
coccinelle
telle
une
naufragée
sur
un
radeau
;
mer
calme.
Neuf
heures
vingt
deux
minutes,
38
minutes
et
des
poussières avant avis de tempête.
35
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
Retirer
délicatement
la
plume
de
l’eau.
La
déposer
sur
la
margelle,
photo.
Essayer
de
transférer
la
rescapée
sur
son
doigt.
Elle
glisse.
Tombe
et
disparait
au
pied
de
la
margelle
arborant
un
mystérieux
graffiti
bleu.
Photo.
Prendre
encore
quelques
photos avant de rentrer chez soi.
Et maintenant ?
Mercredi 9 septembre 2009
Un
retour
temporel
de
trente
cinq
ans
pour
le
moins,
un
texte
dormant,
réactivé
après
quelques
années
de
purgatoire
pour,
en
un
rien
de
temps,
trouver son probable épilogue.
Six
jours
se
sont
écoulés
depuis
que
ce
texte
à
refait
surface,
Résultat
des
opérations
:
j’ai
retapé
tel
que
le
texte
qui
est
maintenant
sauvegardé.
J’ai
revisité
des
lieux,
fais
quelques
prises
de
vue,
c’est
déjà
bien.
Le
texte
va
pouvoir se remettre en stand by.
A moins que…
Si on essaie de faire une synthèse...
Au
commencement,
trente
cinq
ans
pas moins plus tôt, il y a,
le
souterrain
évitant
la
place
de
la
Concorde
qui,
fermépourcausedenet-
toyagenocturnehebdomadaire,
vous
détourne
vers
un
bar
où
vous
expérimentez
une
idée
oulipienne
juste pour voir.
Un stylo Bic en état de marche,
quelques verres de Guinness,
le jazz,
une eurasienne noire,
du chili con carné,
Lafitzgerald, Lamahaliajackson,
Lafitzgerald-Jacksimon,
une Notre Dame illuminée,
une
croix
blanche
sur
laquelle
on
pose
un pied,
un
Bernard
Carcasse
homme
des
lieux,
That John,
un Yesterday-crachouillis,
le
passage
du
vinyle
au
son
nickel
du
compact,
My funny Valentine,
les champagnes René Lalou
et Lanson Reims,
un Monsieur Murdock,
36
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
un voisin-tabouret-bar-imbibé,
l’Homme
Nouveau
avec
ses
‘Questions Inévitables’,
l’Âge
d’Homme
avec
‘L’Avenir
Radieux’,
des
réflexions
sur
le
désordre
de
son
atelier,
une
nouvelle
école
pour
sa
fille,
et pour finir
un
insolite
bouchon
de
champagne
à
plume
se
trouvant
là
au
bon
moment,
à
la
bonne
heure
qui
vous
amène
à
secourir,
35
ans
pas
moins
plus
tard,
une
coccinelle
le
8
septembre
2009,
38
minutes
avant
dix
heures
et
quelques poussières ?
Vu sous cet angle, ça change tout.
Se
dire
que
le
texte
a
peut-être
trouvé
sa
justification,
son
prolongement,
sinon son dénouement Tout est dit.
Certains
y
verront
peut
être
l’œuvre
d’un
grand
manipulateur
qui
chercherait
à
changer
le
cours
des
choses, ce n’est pas mon affaire.
D’autres,
sûrement,
ne
verront
là
qu’élucubrations
acadabrantesques
et
que
c’est
pousser
le
bouchon
un
peu
loin
et
que
c’est
bien
du
remue-
ménage
pour
une
bestiole
de
rien
du
tout.
Se
surprendre
à
rétorquer
que
rien
n’est
anodin,
jamais;
que
le
moindre
battement
d’aile
d’un
papillon
a
des
effets
insoupçonnables,
et
que
le
sauvetage
d’une
bestiole
aussi
insignifiante
soit-elle
ne
saurait
échapper
à
la
règle.
Point.
Tout
est
dit.
Je
n’en
dirais
pas
plus,
ce
n’est
pas la peine de s’énerver.
L’affaire
est
close.
J’ai
un
texte
qui
a
un
début
et
maintenant
une
fin,
que
demande
le
peuple,
je
n’ai
pas
de
temps
à
perdre
à
me
poser
des
questions.
Je
vais
enfin
pouvoir
me
lancer
dans
d’autres
aventures,
à
commencer
par
la
poursuite
du
rangement
de
mon
bureau-atelier
et
ce
n’est
pas
une
mince affaire…
Mais
avant
tout
il
me
reste
à
mettre
tout ça au propre…
12 février 2010, 1 heure 59
37
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
20 février 2010, 14 heures
PS
:
La
curiosité
m’avait
poussé
à
retourner
place
St
Sulpice
pour
retrouver
le
bouchon
de
champagne
énigmatique.
Sachant
maintenant
qu’il
est
le
dernier
maillon
connu,
déterminant
pour
la
suite
des
évènements,
peut-être
devrais-je,
à
un
moment
ou
à
un
autre,
mettre
ma
curiosité
à
contribution
pour
essayer
de
tirer
au
clair
son
identité…
Dans
35
ans ? Pour le moins.
Samedi
26
février
2010,
00h
42
.
Anniversaire
de
ma
nièce
Lucie.
Plusieurs
bouteilles
de
champagne
ont
déjà
été
débouchées.
Celle
que
j’avais
achetée
la
veille
est
enfin
sortie.
L’intuition
m’avait
poussé
à
choisir
cette
marque,
je
ne
l’avais
encore
jamais
vu
à
l’étalage
de
cette
grande
surface
que
je
fréquente
assidument.
J’ai
hâte
d’avoir
le
bouchon en main.
00 heure 45 : Bingo !
Fin.
5 mars 2010, 12 heures 50
ÉPILOGUE ?
3 mars 2012
Sur
le
comptoir
il
y
a
le
Parisien
et
Libération. Je les intercepte.
Une
habitude
:
le
samedi
matin
j’abandonne
temporairement
ma
charrette
au
Monoprix
pour
aller
prendre
un
café
au
3
pièces
cuisine
rue des Dames.
Pour
un
euro
j’ai
un
café
et
en
bonus
les
journaux.
Les
deux
journaux
parlent
de
Pérec.
Le
trentième
anniversaire
de
sa
mort.
L’article
du
Parisien
attire
mon
attention.
Il
commence par :
38
SOUTERRAIN
Tentative de rangement de mon bureau-atelier parisien
En
octobre
1974,
l’écrivain
Georges
Pérec
passe
trois
jours
à
la
terrasse
des
cafés
de
la
place
Saint
Sulpice
(VIème)
et
note
tout
ce
qu’il
voit.
Son
objectif
?
«Décrire
ce
qui
n’a
pas
d’importance
:
ce
qui
se
passe
quand
il
ne
se
passe
rien,
sinon
du
temps,
des
gens,
des
voitures
et
des
nuages.»
Publié
en
1975
dans
la
revue
«
Cause
commune
»
ce
texte
court
d’une
quarantaine
de
pages
sera
édité
sous
le
titre
«
Tentative
d’épuisement
d’un
lieu parisien »
.
Je
découvre
qu’en
1974,
trente
huit
ans
plus
tôt,
alors
que
Pérec
officiait
Place
Saint
Sulpice,
à
deux
pas
de
là,
je
me
lançais
dans
une
démarche
similaire.
Lui
de
jour,
moi
de
nuit.
Lui
trois
jours
de
suite,
moi
trois
nuits
en
dix sept ans.
L’heure
tourne,
je
me
souviens
de
ma
charrette
qui
m’attend
au
Monoprix.
J’ai
comme
à
l’habitude
égaré
ma
liste
de
courses¸
vais-je
me
souvenir
de
ce
qu’il me fallait acheter.
.°.°.°.°.°.
5 septembre 2021
Cherche
à
mettre
la
main
sur
Souterrain.doc.
Le
fichier
n’est
plus
sur
mon
ordinateur,
ni
sur
mes
divers
disques
durs
et
clefs
USB.
La
disparition.
6 septembre 2021
Réveiller
son
vieil
ordinateur,
se
souvenir
de
son
mot
de
passe
et
remettre
la
main
sur
Souterrain.doc
ainsi que sur les photos qui vont avec.
7 décembre 2021
Sauvegarde,
relecture,
un
titre
qui
vous
vient
sans
crier
gare
‘’Tentative
de
rangement
de
mon
atelier-
bureau
parisien’.
Ne
devrais-je
pas
l’accoler
à
‘’Souterrain’’
histoire
de
faire
un
petit
clin
d’œil
à
Georges
Pérec ?
.°.°.°.°.°.